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        Centre Scolaire du Sacré-Coeur de Lindthout

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Histoire du SCL - La vie et l'âme de la Fondatrice


La maison natale de Sainte Madeleine-Sophie Barat, à Joigny (Bourgogne - France)Madeleine-Sophie Barat est née à la fin de l'an 1779 à Joigny, en Bourgogne, de parents cultivateurs. Son enfance l'avait-elle préparée à jouer un rôle de premier plan dans l'Eglise du XIXe siècle ? Absolument pas. Sa jeunesse fut sans tache, admirable de candeur et de simplicité; mais aucun «merveilleux» céleste ne troubla le cours de sa vie chrétienne normale: pas d'extases, pas de miracles, aucun phénomène extraordinaire. Dieu semble l'avoir traitée comme mille autres jeunes filles ferventes. Il en sera de même dans toute son existence.

Sainte Madeleine-Sophie sera une véritable mystique, mais elle le sera à sa manière.
Non seulement elle n'a pas été favorisée de ces grâces sensibles qu'on appelle aujourd'hui paramystiques pour les distinguer de l'élévation réelle de l'âme à la plus intime union avec la Trinité, mais elle les a redoutées et en tous cas, pratiquement éloignées de la doctrine spirituelle qu'elle a transmise en héritage à ses filles. Il y a une chose qu'elle a toujours regardée comme supérieure à ces manifestations, c'est la charité commune poussée au degré de perfection le plus sublime.

1. Son enfance

La petite chambre de la Sainte transformée en oratoire Enfant, elle se distinguait des jeunes filles de son âge par ces vertus naturelles que le Saint-Esprit avait aussitôt transfigurées en elle par la grâce: une intelligence pénétrante, qui discernait sans effort la part de vérité cachée en toutes choses, un équilibre humain qui la faisait exceller en tout, sans briller en rien de particulier, car son génie - elle a montré qu'elle en avait un - ne consistait pas dans le développement d'un don aux dépens des autres, mais paraissait dans une sorte d'achèvement de la nature que le péché originel aurait à peine troublée. Enfin, plus que toute autre qualité, elle possédait celles du cœur: bonté, douceur, dévouement, bref, charité sous toutes ses formes, qui la rendait universellement aimable et attirante. La beauté et la grandeur de sa vie seront faites de l'épanouissement magnifique de cette fleur exquise.

Et cependant, sa force de caractère, dont elle donnera mille preuves plus tard, ne s'affirmait pas au début: son énergie sera celle des saints et non celle des héros. Dans sa vertu, dans ses jeux, dans son travail, comme dans ses relations avec ses compagnes bourguignonnes, pleines comme elle de vivacité impétueuse, jamais elle ne se laissait aller à la colère, à l'entêtement ou à l'esprit dominateur. Elle était de celles qu'on aurait cru de la famille de Saint François de Sales, maîtresses d'elles-mêmes et des autres par l'irrésistible puissance du cœur. Humble, réservée, respectueuse des personnes et de toute créature, elle surpassait les énergies qui se font admirer par leur façon hautaine de briser les obstacles. Cependant la supériorité de sa volonté, encore voilée par la modestie de l'enfance, devait se révéler à travers toute sa vie religieuse. Son frère l'avait remarqué ou deviné. Plus âgé qu'elle de onze ans, il était aussi son parrain. Il s'était persuadé que la culture intense et judicieuse de si grands dons s'imposait à sa conscience d'aîné parce qu'ils étaient un signe que Dieu avait des desseins sur cette jeune fille privilégiée. Les responsabilités les plus graves peuvent naître de la prévision d'un avenir encore mystérieux.

2. Une éducation chrétienne

Madeleine-Sophie à 15 ans (Tableau de l'Oratoire)Ce n'est ni par ambition familiale, ni par instinct de gouvernement que Louis Barat, prenant la place de ses parents, se chargea de former sa cadette comme il l'entendait. Nous n'arrivons pas à percevoir son but ni ses principes de pédagogie. On se demande pourquoi, sans ménager ses forces, ni son âge, ni son tempérament féminin, ni même ses goûts, il lui fit apprendre le grec, le latin, l'espagnol, l'italien, l'histoire, et même les sciences physiques et naturelles. On aurait pu penser qu'il destinait à quelque professorat d'université. Dieu l'aveuglait peut-être, puisqu'il ne l'éclairait pas encore sur la vocation extraordinaire de sa sœur.

L'éducation chrétienne de Madeleine-Sophie était régie par le même professeur, et conduite avec la même rigueur. Règlement non seulement de pensionnaire, mais de religieuse cloîtrée, instruction quasi théologique, ascétisme précis et minutieux, fidélité au devoir. d' état, soumission à toutes. les exigences d'un christianisme sérieux. Cédait-il au jansénisme du temps? Non. Une profonde connaissance de Dieu, de soi et du monde poussait ce jeune homme d'une énergie rare, à faire marcher celle qu'il aimait par la «voie la plus étroite». Mais Dieu avait des vues plus larges. Le Saint-Esprit dirigeait ce maître improvisé et sans expérience pour atteindre ses fins surnaturelles par des chemins détournés. Le résultat de cette éducation aurait pu être l'épuisement et l'impuissance. Il fut bien supérieur à ce que l'on pouvait espérer. Madeleine-Sophie se révéla résistante malgré sa santé fragile; fortifiée par Dieu, elle le sera jusqu'à la fin de sa longue vie en dépit de toutes les faiblesses physiques. On la vit à 18 ans capable de faire avec succès et facilité les efforts intellectuels qu'exige une culture supérieure, humaniste et scientifique à la fois, restant néanmoins généreuse sans limite, et même parfois héroïque de caractère, souriante en face des obstacles, persévérante au milieu des plus constantes privations, toujours prête à rendre service avec une souplesse d'enfant, d'une bonne humeur ravissante dans tout ce qui contrariait sa nature, bref, douée"d'une richesse de qualités et de vertus qui se serait peut-être perdue avec une éducation molle et flatteuse. Elle laissait déjà prévoir que Dieu la préparait à entraîner des milliers de jeunes filles à la poursuite d'un idéal de sainteté et de conquête des âmes, auquel les caractères médiocres ne peuvent prétendre en aucune façon. Lorsque le jour vint de la marier, sa famille se disait fière à la pensée qu'elle ferait le bonheur d'un homme de haute valeur. Mais Madeleine-Sophie n'était si comblée de perfections qu'en raison des préférences d'un Dieu qui se l'était réservée comme Epouse.

Elle demanda d'entrer au Carmel. Qui s'en serait étonné? Cependant cette "vocation de Carmélite n'était ébauchée ni dans son éducation, ni dans ses aptitudes exceptionnelles à l'apostolat; elle semblait même douée pour un gouvernement de grande envergure. Malgré tous les désirs de son âme, Dieu la détourna secrètement des voies religieuses tracées auparavant. Il la voulait Fondatrice. Le lui révéler alors, c'eût été lui causer un tel effroi qu'elle en serait morte de peur. Les appels de Dieu ne sont pas précipités. Toute sa vie, néanmoins, elle gardera, sinon la nostalgie du Carmel, du moins un besoin irrésistible de vie contemplative. Et, à cette grâce, elle restera toujours fidèle.

3. Rencontre avec le Père Varin

Indécise et sans doute inquiète, elle attendait un je ne sais quoi, lorsque le P. Varin connut son existence, dans une conversation avec l'abbé Barat, son frère, qui la nomma très fortuitement à l'occasion d'un fait sans portée.
Préoccupé par des projets de fondation religieuse, le Père Varin saisit ce détail échappé à son ami, comme s'il venait de faire une découverte. Pourquoi attacha-t-il tant d'importance à une parole qui semblait insignifiante? Dieu seul le sait, coutumier de ces inspirations dont nous ne voyons pas la fin. Le Père voulut avoir un entretien avec cette jeune fille et, sans attendre une heure de plus, comme s'il avait reçu un ordre de Dieu, il lui confia son intention arrêtée de fonder, avec les trois ou quatre personnes dont il avait la direction, une association religieuse sous le signe du Sacré-Cœur. Elle reçut cette confidence «avec la simplicité de la colombe et la prudence du serpent». Ayant prié, hésité, réfléchi, consulté, finalement elle s'engagea dans ce groupe, bien qu'il parût très modeste et peut-être éphémère. Il faut voir dans cette décision l'effet d'un attrait irrésistible vers la dévotion au Sacré-Cœur et un acte de confiance aveugle en son amour. C'est tout le sens de la première consécration prononcée par Madeleine-Sophie et ses compagnes, à Paris, le 21 novembre 1800.

Amiens, le berceau de la Société du Sacré-Coeur Le groupe allait un peu à l'aventure, d'autant plus que la première supérieure nommée à Amiens, berceau de l'œuvre, était tellement au-dessous de sa tâche que le Père Varin dut la déposer. C'est alors que le Saint-Esprit, comme disent les Actes des Apôtres, élut supérieure Madeleine-Sophie Barat, la plus jeune de toutes. Elle en fut comme frappée de la foudre. A genoux, elle implora la pitié du Père. «J'étais ému de la peine de votre pauvre Mère» raconta-t-il plus tard aux religieuses. Elle faillit en perdre la vie. Jamais je n'ai trouvé en elle d'autre obstacle que son humilité. Pendant dix ans elle n'a cessé de me demander grâce. Mais pour le bonheur de ses filles, elle y a perdu son temps». Cette âme - incomparablement enrichie de dons humains et surnaturels - avait reçu par surcroît la grâce du non savoir. Elle connaissait Dieu plus que toute autre; plus que toute autre, aussi, elle ignorait sa propre valeur.

Mais l'Esprit de Dieu lui fit suivre la voie de Marie à l'Annonciation: celle d'une générosité confiante et d'un FIAT sans restriction. La nouvelle supérieure avait alors 23 ans quand elle acquiesça à l'ordre de Dieu. Comme la Sainte Vierge, elle entra en charge, dans le silence et l'obscurité, le 21 décembre 1802. Retenons cette date mémorable: elle marque la naissance d'une des belles créations de Dieu dans l'histoire de l'Eglise: MAGNALIA DEI.

4. Le secret de la sainteté

Avant de présenter un tableau général de la progression dans le monde de la Société du Sacré-Cœur, il importe de révéler le secret de la sainteté de sa Fondatrice et de sa puissance surnaturelle, raison profonde de son extension rapide. Pendant que Madeleine-Sophie se livrait plus que jamais à l'oraison, une sorte de Pentecôte se produisit dans son âme. Comme dit l'Ecriture, des saints que Dieu choisit pour une grande mission, elle fut «remplie du Saint-Esprit». C'est en contemplant le Cœur percé de Jésus en croix, selon son habitude, qu'elle reçut Sa mission spéciale. Ce que Jésus-Christ lui demandait, ce n'était pas de répandre une «dévotion» entre autres dévotions, mais de vivre d'abord selon les exigences divines d'une mystique tirée de la contemplation du Cœur de Jésus, puis de faire connaître aux âmes de tous pays, après s'en être pleinement pénétrée elle-même, ce que Saint Paul appelle «la largeur, la longueur, la hauteur et la profondeur de l'amour du Christ pour nous» (Eph., III, 18.)

Un autographe de Sainte Madeleine-Sophie BaratElle comprit alors avec certitude qu'elle était choisie pour accomplir cette mission de charité universelle. Les lumières qu'elle reçut alors débordent ce cadre. On peut cependant les résumer ainsi : La théologie de la Rédemption s'explique tout entière par le fait et le symbole du Cœur percé de Jésus-Christ au Calvaire. Le Cœur percé de Jésus-Christ, d'où coulèrent l'eau et le sang, est la source jaillissante de l'Amour sauveur par lequel le monde doit être converti à Dieu. Le Cœur percé de Jésus-Christ est le livre scellé par le sang divin, où est gravée toute la science de la sainteté.

La théologie de la Rédemption est en effet tout entière contenue dans la blessure que le Centurion, d'un coup de lance, ouvrit sur le côté du Christ. Elle est fondée sur l'Ecriture et la Tradition. Les exégètes modernes, en approfondissant le texte éternel de l'Evangile johannique, ont montré que ce geste du soldat avait une signification mystérieuse pour notre foi. Sur ce corps inerte, Dieu le Père voulait que fût imprimée, en lettres de sang, la raison unique de toute la vie de son Fils qui s'achevait par la mort: l'amour de la Trinité et la charité du Christ pour les hommes pécheurs. Qu'est-ce qui créa l'humanité du Christ ? L'Amour. Qu'est-ce qui décida le Père à donner son Fils dans l'Incarnation ? L'Amour. Et le don de soi consenti par le Fils ? L'Amour. Et les grâces de la Maternité divine ? Et la pauvreté de Bethléem, de Nazareth, la faim et la soif du désert ? Et toutes les humiliations du jardin au Calvaire ? Et la nudité de la Croix et l'obéissance du Crucifié ? Et cette effusion de sang qui, de l'agonie à la plaie du Cœur, ne cessa d'arroser la terre ? Et les sacrements, et l'Eucharistie, et l'Eglise ? L'Amour, c'est toujours l'Amour. Peut-on imaginer la moindre action du Christ qui ne soit pas purement de l'amour ? Jésus est le Fils Bien-Aimé qui s'est offert lui-même par amour. Et ce que son Père a glorifié en Lui, c'est la Charité de la Trinité.

Toute la Rédemption est conçue par les trois Personnes divines et réalisée par le Fils comme une œuvre d'amour. Telle est la doctrine que la Fondatrice avait puisée dans sa contemplation assidue du Sacré-Cœur selon l'Evangile de Saint Jean.

Une seconde vérité essentielle parut à la Mère Barat inscrite aussi pour elle dans cet Evangile. L'humanité corrompue par les passions mauvaises ne sera convertie que si elle retrouve la foi en la bonté de Dieu et en son infinie miséricorde. Elle vit alors, avec une de ces évidences mystiques qui sont, disent Saint Jean de la Croix et Sainte Thérèse, aveuglantes et certaines, que sa mission était apostolique: c'était celle de faire renaître dans les cœurs cette foi en l'amour. La contemplation du Cœur percé lui avait inspiré cette confiance d'être choisie et l'avait enflammée d'un désir ardent d'être la missionnaire de la miséricorde du Sauveur. Le Cœur entr'ouvert de Jésus-Christ lui apparut alors moins comme un refuge, un abri, un lieu de repos et de délices, une porte du ciel, que comme une fournaise ardente où brûle le feu infiniment plus violent que celui de l'enfer: le feu de l'Amour. Sans doute il lui semblait qu'elle ne pouvait pénétrer dans cette fournaise que par une volonté de participation à la Passion et à la Réparation du Cœur du Christ pour les péchés. Mais ce feu était aussi celui du zèle. Elle se sentit appelée à se consumer d'amour des âmes, comme Jésus et avec Jésus, par la charité apostolique. N'avait-il pas dit: «Je suis venu apporter le feu sur la terre.» Le sang sortait de sa blessure jusqu'aux dernières gouttes. L'eau vive en coulait aussi. Or Jésus avait prédit que quiconque boirait de cette eau aurait encore soif et que cette eau deviendrait en lui une «source jaillissant pour la vie éternelle.» (Jo., IV, 14.) Mais tout ce qui est révélé de l'eau vive l'est plus encore du sang même du Christ, cause de rachat, témoignage de l'amour divin. Le feu, l'eau vive et le sang, c'était toute la mystique de Sainte Madeleine-Sophie.

5. Le développement de la Société

(Voir aussi : "Croissance et extension de la Société dans le monde...")

Marmoutier (ancienne abbaye fondée par Saint-Martin et acquise par ma Mère Barat en 1847

Répandre jusqu'aux extrémités de la terre le feu, l'eau vive et le sang du Cœur de Jésus fut désormais sa passion, sa force, son bonheur et toute sa vie. Elle aurait voulu être un Saint François-Xavier, et que toutes ses filles lui devinssent semblables: «Si j'étais un Saint Ignace, écrivait-elle, je voudrais que vous fussiez le Saint François-Xavier de la Société. Hélas! je suis loin du premier, mais vous êtes plus près du second; il n'y a qu'à le vouloir». Elle rêva de partir en mission aux Indes. Lorsqu'elle rencontra la Mère Duchesne, cette âme bouillonnante et impatiente d'aller travailler au delà des mers, elle la reçut comme un signe de la vocation de toute sa Société. Partir à sa place ou avec elle fut son plus vif désir.

Et quand la Mère Duchesne s'embarqua pour la mission de la Louisiane, la sainte Mère s'écria: «Ah! quand vous n'iriez si loin que pour établir un Tabernacle de plus et faire prononcer un seul acte d'amour à un pauvre sauvage, ne serait-ce pas assez pour le bonheur de votre vie?» - «Mes filles, disait-elle à toutes, la Société a besoin de produire des saintes. Si vous pouviez savoir tout ce que Dieu demande de nous! Et les âmes! Tant d'âmes que NOUS SOMMES APPELEES A SAUVER et qui sont là ! Des villes entières qui nous attendent... Ah! on ne pense pas assez aux âmes qui se perdent !». Cette vision des âmes à racheter était donc essentielle à la mission que le Cœur de Jésus découvrait à Sainte Madeleine-Sophie. Aussi, dès qu'elle sollicita du Pape Léon XII la faveur d'une approbation officielle de son Institut, elle fit valoir surtout la raison de l'apostolat. La Société, disait-elle au Saint Père, est «désireuse de répandre la dévotion au Sacré-Cœur par toute la terre et de tout embraser du feu du divin amour».

Mais le Cœur de Jésus révélait plus encore à la Fondatrice: Il lui demandait non seulement de connaître et de faire connaître son incompréhensible amour, mais encore de se revêtir des vertus de son Cœur, de se les approprier en les recevant de son amour; elle devait tendre à cette ressemblance du cœur avec le Cœur infiniment parfait de Jésus crucifié. Cette façon d'entendre l'ascétisme chrétien lui parut à bon droit suréminente. Elle en fera la fin de la Société: «Telle est, écrira-t-elle, la fin de notre petite Société: nous sanctifier nous-mêmes en prenant pour modèle le Divin Cœur de Jésus et en cherchant, autant qu'il nous sera possible, à nous unir à ses sentiments et à ses dispositions intérieures».

Fidèle à cette vocation, Madeleine-Sophie ira bien au-delà d'une simple reproduction extérieure de la vie exemplaire du Christ; elle cherchera la ressemblance intime avec sa vie intérieure; ce qui l'engagera à vivre du fond de son âme selon un esprit et une intention particulière. Quand on cherche à pénétrer cette âme de sainte, il est facile de découvrir que cet esprit qui devait animer toutes ses actions ne pouvait être qu'un esprit de charité. Jésus n'ayant pensé, voulu, agi que par amour, avec le plus pur désintéressement, elle tâcherait de n'accomplir aucun acte de vertu qui ne fût l'effet de l'amour et qui ne tendît à accroître la perfection de l'amour. Bien plus, elle était invitée à participer à la charité du Cœur même du Christ, persuadée justement que, de même que le sarment reçoit de la vigne toute sa sève, son âme ne progresserait dans la vie surnaturelle que si elle recevait cette croissance même et ses fruits de la plénitude du Christ. Pour cette communauté de vie intérieure, le Christ lui donnerait son Saint-Esprit. Une intimité de cœur aussi grande que celle de la vigne et de ses sarments résulterait de cette dépendance vitale. Chaque fois qu'elle agirait par amour, son âme serait assurée que sa charité vient de celle du Christ, que sa tendresse filiale pour le Père découle de celle du Christ, que dans le don de soi aux âmes, le Christ Lui-même se donne, que toutes ses vertus sont aussi celles du Christ, bref, que le Christ, comme dit Saint Paul, vit en elle, et que le Cœur du Christ et le sien ne sont qu'un dans la charité. Cette union au Cœur de Jésus lui avait aussi appris que la pratique de la vertu devait, à la ressemblance de ce Cœur divin, n'avoir pas d'autre fin que celle d'enrichir la Sainte Eglise des mérites de Jésus¬Christ. «Non sim placuit»: le Christ n'a jamais travaillé, prié et souffert pour Lui-même. Le Saint-Esprit n'avait rempli l'humanité du Verbe Incarné de son insondable richesse qu'à l'avantage spirituel de tout son Corps mystique. «Pro his sanctifico meipsum». Il fallait L'imiter jusqu'à ce dépouillement. Il semble que la Sainte Mère ait atteint ce sommet: elle s'oubliait dans la vertu même. Rien pour elle dans ses intentions, mais tout pour l'Eglise et pour les âmes.
C'est ainsi qu'elle avait découvert en ses oraisons la ressemblance .avec le Cœur de Jésus et c'est cette doctrine qu'elle transmettra à ses filles.

6. Une générosité parfaite

Mais elle-même la vécut avec une générosité parfaite. La charité du Christ la poussa au don total d'elle-même: «Caritas Christi urget nos». Elle aima autant que le Cœur du Christ la pressait d'aimer, et d'abord ceux que Lui-même préféra: les malades, les enfants, les pauvres. Les témoignages de sa bonté sont innombrables. Elle se plaisait à soigner elle-même les malades, à les réconforter, à les consoler dans leurs souffrances. Aucune mère n'était plus désirée dans les épreuves et surtout dans la lutte suprême. Mourir dans ses bras était une sorte de prédestination.

Que dire de sa tendresse pour les enfants? Accablée de travaux et souvent de fatigues, elle ne résistait pas à cette charité maternelle qui la pressait de venir se mêler à leur vie. Les enfants couraient à sa rencontre, l'entouraient, la buvaient des yeux, écoutaient ses paroles comme des oiseaux enchantés. Elle-même semblait oublier ses douleurs à leur vue. Son dévouement s'étendait bien au-delà des murs de ses maisons. Au cours des fréquentes catastrophes sociales qu'elle traversa, que de fois n'a-t-elle pas hébergé et soigné les enfants abandonnés sans famille et sans toit ! Sa charité d'ailleurs, comme celle du Cœur de Jésus, lui faisait préférer les pécheurs aux justes, les pauvres aux riches. Son plus grand bonheur était de donner et de se donner. Ainsi fit-elle inlassablement et jusqu'à l'épuisement complet. «ln finem dilexit».

Si l'on veut chercher la voie par où elle passa pour aimer ainsi jusqu'à la fin, on peut affirmer sans hésitation que ce fut celle du Cœur Immaculé de Marie. Dès l'origine elle désignait à ses filles ce Cœur très pur comme le plus conforme à celui de Jésus et l'appelait le plus sûr accès à celui de son Fils. Selon les termes mêmes des Consti¬tutions, elle avait consacré la Société au Sacré-Cœur de Jésus et au Saint Cœur de Marie. Ce titre était dans sa pensée comme dans son amour, quelque chose d'essentiel à la vie même de l'Institut, l'âme de sa double appartenance. Une fois de plus, dans sa foi pénétrante, la Sainte Fondatrice avait pressenti la pensée de l'Eglise aboutissant, plus d'un siècle après, à la consécration du monde au Cœur Immaculé de Marie. Mais ce qu'elle inscrivait dans ses Constitutions, c'était ce qu'elle avait vécu d'abord dans sa propre tendance à la sainteté. Aucune ressemblance avec le Cœur de Jésus ne lui avait paru possible en dehors de l'action de Celle dont Jésus au Calvaire avait consacré toutes les puissances de maternité spirituelle. C'était aussi la Mère dont le Cœur transpercé d'un glaive avait le mieux connu l'amour de son Fils et le mieux compris le sens de sa Passion: toutes les plaies de Jésus, mais surtout la blessure du Cœur, étaient des abîmes où Marie avait contemplé ]a charité infinie de Dieu. C'est pourquoi la Mère des Douleurs était associée inséparablement au Cœur percé du Christ dans le culte et la mystique de Sainte Madeleine-Sophie. Elle croyait et disait, parce qu'elle-même l'avait réalisé, que dans l'achèvement de la Passion du Christ, une religieuse du Sacré-Cœur avait sa place marquée à côté de Marie debout au pied de la Croix.

Pénétrer cette dévotion si confiante et si profonde à la Sainte Vierge, c'est achever de découvrir le secret de la sainteté de Sainte Madeleine-Sophie; c'est entrer en même temps en possession d'un autre secret: celui du développement magnifique de son œuvre et de son apostolat.

Extrait de "La Société du Sacré-Coeur de Jésus", de F. Charmot S.J., paru aux Editions Lescuyer (1953)

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